Education thérapeutique des patients insuffisants surrénaliens (Lettre Surrénale n°2)

Éducation thérapeutique des patients insuffisants surrénaliens : un outil encore insuffisamment utilisé pour éviter ou traiter précocement l'insuffisance surrénale aiguë
Laurence Guignat (Paris)

Insuffisance surrénale aiguë : une complication rare, méconnue, engageant le pronostic vital

L'insuffisance surrénale aiguë est une urgence thérapeutique qui met en jeu le pronostic vital. Les sites d'associations de patients se font l'écho de mésaventures de patients pour lesquels la gestion de la crise d'insuffisance surrénale n'a non seulement pas été optimale, mais a même entraîné des décès attribuables à une décompensation aiguë (http://www.addisons.org.uk/info/experiences). Une insuffisance surrénale aiguë a été retenue comme étant responsable de 36 des 507 décès (7 %) du registre suédois de patients addisonniens (1) et de 59 des 106 décès brutaux inattendus (56 %) dans une cohorte américaine de 6 107 patients traités par hormone de croissance (2). Son incidence est d'environ 6 à 7,5/100 patients-année (3, 4). Entre 20 et 44 % des patients (traités) ont eu au moins 1 crise d'insuffisance surrénale aiguë et 10 % des patients ont déjà fait plusieurs crises aiguës (3-7).

Il n'existe pas de profil type du patient susceptible de faire une insuffisance surrénale aiguë, même si certains facteurs ont été retrouvés associés à un risque accru de décompensation, comme l'origine périphérique de l'insuffisance surrénale, le sexe féminin, l'âge élevé lors du diagnostic d'insuffisance surrénale, ou encore des troubles des fonctions supérieures ou un diabète insipide (4, 7, 8).

Les principaux facteurs de décompensation (ou les premiers symptômes) sont les troubles digestifs (vomissements et/ou diarrhée) dans 33 à 56 % des cas et les infections dans 17 à 24 % des cas (3, 4) [figure].

FIGURE SURRENALE 2013

Légende. Fréquence des différents facteurs de décompensation d'insuffisance surrénale aiguë dans 2 grandes études.Les autres facteurs sont multiples : une chirurgie, un accouchement, une forte émotion, des douleurs intenses, une fatigue importante, une interruption du traitement, etc. Parfois, aucun facteur de décompensation n'est identifiable.

Éducation thérapeutique du patient insuffisant surrénalien : une nécessité

Le manque de spécificité des signes d'insuffisance surrénale aiguë et la méconnaissance de cette urgence médicale rare sont susceptibles de conduire à un retard de mise en route du traitement ou à des examens invasifs pouvant précipiter une issue fatale. Un certain nombre d'outils existent depuis de nombreuses années, comme la carte d'insuffisance surrénale ou d'autres dispositifs d'alerte, la prescription d'hydrocortisone injectable, la diffusion d'informations aux patients et l'établissement de protocoles d'urgence. Si la plupart des patients possèdent une carte d'urgence, trop peu disposent d'hydrocortisone injectable (3, 4). Le niveau des connaissances sur l'insuffisance surrénale aiguë, évalué au moyen d'autoquestionnaires, était très bon chez seulement 28 % des 25 patients d'une étude anglaise (5) et chez 5 % des 84 patients d'une étude danoise (9) dans les années 1990. Plus inquiétant encore, parmi les patients qui se considéraient comme étant bien informés sur l'insuffisance surrénale, 42 % prenaient de mauvaises décisions en mise en situation (9). Enfin, une étude canadienne révèle que, sur une période allant de 1998 à 2007, moins de la moitié des parents d'enfants admis en hospitalisation pour une décompensation surrénalienne aiguë avaient bien augmenté l'hydrocortisone avant de se rendre aux urgences, et seuls deux tiers des urgentistes et autres médecins hospitaliers appliquaient le protocole d'urgence (10).

Chez les patients asthmatiques, l'inefficacité des approches éducatives limitées à la transmission d'information a bien été démontrée (11), de même que l'absence d'autoapprentissage après une décompensation aiguë (12). Il paraît donc essentiel d'aider les patients à acquérir ou à maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique, ce qui est l'objectif de l'éducation thérapeutique.

Plusieurs programmes d'éducation thérapeutique couvrant le champ de l'insuffisance surrénale ont reçu l'autorisation des Agences régionales de santé (ARS), notamment dans les hôpitaux parisiens Cochin, Robert-Debré et Pitié-Salpêtrière, ainsi qu'à l'hôpital de la Timone, à Marseille. Les thématiques communes sont la gestion quotidienne du traitement substitutif, l'adaptation des doses d'hydrocortisone aux facteurs intercurrents et l'auto-injection intramusculaire d'hydrocortisone. Les entretiens permettent d'appréhender les besoins et les attentes du patient, ses représentations et ses croyances en matière de santé, ses difficultés et ses atouts. Plusieurs difficultés ont souvent été rencontrées : les difficultés liées au patient, telles les "corticophobies", le manque de confiance en ses connaissances, la crainte de mal faire, la croyance en la toute-puissance de la parole médicale, etc., mais aussi les difficultés liées à l'environnement, comme l'activité professionnelle en extérieur, l'exposition aux infections, les voyages fréquents à l'étranger, etc. Parmi les outils utilisés, on peut citer : les courbes prédécoupées de doses d'hydrocortisone à placer sur une frise temporelle ; les cartes des situations à risque ;  le jeu des comprimés d'hydrocortisone à placer sur une frise temporelle ; l'intervention d'un patient expérimenté, etc.

Alors que les diabétologues jonglent depuis de nombreuses années avec les méthodes pédagogiques actives, les endocrinologues doivent s'approprier ces techniques pour les appliquer à d'autres maladies chroniques afin de faciliter les apprentissages. Depuis l'inscription de l'éducation thérapeutique du patient dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires du 21 juillet 2009, les programmes d'éducation thérapeutique du patient doivent répondre au cahier des charges national et sont soumis à l'autorisation des ARS. C'est une opportunité à saisir pour améliorer l'organisation et la qualité de la prise en charge de nos patients, même si, comme souvent, le financement de cette activité reste flou.

Références bibliographiques
1. Bergthorsdottir R, Leonsson-Zachrisson M, Odén A, Johannsson G. Premature mortality in patients with Addison's disease: a population-based study. J Clin Endocrinol Metab 2006;91(12):4849-53.
2. Mills JL, Schonberger LB, Wysowski DK et al. Long-term mortality in the United States cohort of pituitary-derived growth hormone recipients. J Pediatr 2004;144(4):430-6.
3. White K, Arlt W. Adrenal crisis in treated Addison's disease: a predictable but under-managed event. Eur J Endocrinol 2010;162(1):115-20.
4. Hahner S, Loeffler M, Bleicken B et al. Epidemiology of adrenal crisis in chronic adrenal insufficiency: the need for new prevention strategies. Eur J Endocrinol 2010;162(3):597-602.
5. Braatvedt GD, Newrick PG, Corrall RJ. Patients' self administration of hydrocortisone. BMJ 1990;301(6764):1312.
6. Nagesser SK, van Seters AP, Kievit J, Hermans J, Krans HM, van de Velde CJ. Long-term results of total adrenalectomy for Cushing's disease. World J Surg 2000;24(1):108-13.
7. Omori K, Nomura K, Shimizu S, Omori N, Takano K. Risk factors for adrenal crisis in patients with adrenal insufficiency. Endocr J 2003;50(6):745-52.
8. Arlt W, Allolio B. Adrenal insufficiency. Lancet 2003;361(9372):1881-93.
9. Flemming TG, Kristensen LO. Quality of self-care in patients on replacement therapy with hydrocortisone. J Intern Med 1999;246(5):497-501.
10. Leblicq C, Rottembourg D, Deladoëy J, Van Vliet G, Deal C. Are guidelines for glucocorticoid coverage in adrenal insufficiency currently followed? J Pediatr 2011;158(3):492-498.
11. Gibson PG, Powell H, Coughlan J et al. Limited (information only) patient education programs for adults with asthma. Cochrane Database Syst Rev 2002;(2):CD001005.
12. Krishnan JA, Riekert KA, McCoy JV and al. Corticosteroid use after hospital discharge among high-risk adults with asthma. Am J Respir Crit Care Med 2004;170(12):1281-5.

afnem

Association Française Des Néoplasies Endocriniennes Multiples

NEM 1 – NEM 2A – NEM 2B

 

Association

à but non lucratif reconnue d’intérêt général
loi du 1er juillet 1910
N° W922003349     JO du 30 octobre 2010
Siret :  749 895 397 0001

 

Contacts

Siège de l'association :
18 cours Ferdinand de Lesseps    
92500 Rueil Malmaison

Téléphone :      
Claudine Catteau  :  09 64 09 35 97 
Raphaël Collus : 04 77 94 62 14

Recherche